« Tout esprit profond a besoin d’un masque ; je dirai plus : un masque se forme sans cesse autour de tout esprit profond… » Nietzsche, Par delà le bien et le mal, . § 40
D’après Jean Baudrillard[1], « rien dans la nature » ne pourrait entraîner l’homme « à ce comportement irrationnel, excessif, de prendre le pouvoir, de faire la guerre, sinon le masque, la figure du masque, à l’ombre duquel il peut relever le défi d’un monde dont on ne saura jamais la vérité, et qui relève donc fondamentalement de l’artifice. C’est le masque qui permet le sacrifice, qui permet de faire la guerre, lui seul qui permet l’exercice du politique. » Il ne serait pas difficile d’élargir la portée de ce dernier mot pour donner à l’affirmation de Braudrillard toute son étendue : peut être, en effet, désigné politique l’ensemble du champs où se trouve nécessairement placé l’être dans sa relation à l’autre. Le masque n’est pas autre chose que l’interface qui permet cette relation. « L’homme du monde est tout entier dans son masque »[2], écrivait Rousseau. Tout ce qui est de l’ordre relationnel (par quoi l’être est mis en contact avec l’autre) nécessite/ suscite un masque qui – telle est d’ailleurs sa double fonction – donne à voir et/ou dérobe à la vue, montre ou cache, selon l’effet qu’on en attend. Certes la guerre est un effet du masque, mais la paix aussi… la haine bien-sûr, mais aussi (ou surtout) l’amour ! Des sentiments les plus tranchés aux moins intenses. Être là – parmi d’autres ou seul avec soi-même – suffit à le nécessiter/ susciter. Se trouvant placé dans l’obligation de donner la réplique[3] à l’autre, l’être est, par destination, hypocrite. Il porte, souvent même sans le savoir, le masque de Thespis, le prosopon du théâtre antique.
La Chronique de Paros nous apprend que l’emploi du masque fut initié par « Thespis, le poète qui le premier fit jouer un drame dans la ville ». Aussitôt « après que le jeu fut fini », Solon, le grand réformateur d’Athènes, se mit en colère ; il appela Thespis « et lui demanda s’il n’y avait point de honte de mentir ainsi en la présence de tant de monde »[4]. Dès sa première apparition, le théâtre – instrument de pouvoir et/ou de contestation[5] – est au centre de la préoccupation du législateur. En introduisant la possibilité assumée du mensonge et du jeu, quelque chose se dédouble qui risque de remettre en cause le pacte des hommes entre-eux et de faire vaciller la cité toute entière. Solon le pressent, le redoute et finalement en sera la première victime – la seconde étant la démocratie qu’il avait contribuée à inventer[6]. De ce dédoublement, le terme hypocrite en conserve intacte, aujourd’hui qu’il est passé dans notre langue, toute la réprobation.
L’essort de la pensée trouve son origine dans ce dédoublement ou, pour employer un terme théâtral, cette distanciation qui permet la réflexion[7]. Comme le remarque Philostrate, les développements scénographiques qui donnèrent forme au théâtre, ont symétriquement été suivi par des transformations similaires dans la pensée : « ce que Gorgias a fait en ce qui concerne son art est du même ordre » que les innovations « apporté à la tragédie »[8].
Pour aller vite, l’art des sophistes a pour socle le refus de toute ontologie positive, de toute pensée de l’être qui ferait l’impasse sur sa nature discursive en prétendant naïvement atteindre l’être[9] : en effet, pour les sophistes, « l’être ne peut être objet de pensée »[10]. « De même que le visible ne peut devenir audible, [...], l’être, qui subsiste extérieurement à nous, ne saurais devenir notre discours »[11]. N’étant pas de même nature, les deux champs sont absolument et irrémédiablement imperméables l’un à l’autre de telle sorte que l’être demeure définitivement hors de notre portée : autant dire que « rien n’existe »[12] ou, pour le formuler de façon en adéquation avec le champ où nous sommes astreint, que seul subsiste le discours. « Car le moyen que nous avons de révéler, c’est le discours ; et le discours, il n’est ni les substances ni les êtres : ce ne sont donc pas les êtres que nous révélons à ceux qui nous entourent ; nous ne leur révélons qu’un discours [...] »[13]. L’éthique des sophistes (qui n’est pas une éthique de la vérité à tout prix[14]) consiste en la reconnaissance de ce seul et indépassable moyen qui est à leur disposition, et en l’acceptation de sa puissance[15]. Cette éthique exige donc d’eux qu’une seule chose : la maîtrise de ce moyen grâce à la rhétorique dont Gorgias fut, dit-on, « le premier inventeur »[16]. Le grand reproche que l’on fit aux sophistes – reproche par lequel l’appelation même de sophiste est aujourd’hui repoussé avec un identique dégoût que le terme hypocrite – c’est d’avoir « supprimé le critère de la vérité »[17] ; c’est-à-dire d’avoir, selon ses détracteurs, introduit la possibilité du mensonge : or, il ne fait aucun doute que le mensonge ne date pas de la conscience que l’on prend de sa possibilité. Pourquoi se laisse-t-on convaincre « par la fiction d’un discours mensonger » ? Gorgias répond, et cela est essentielle, parce que « les gens n’ont pas la mémoire du passé, ni la vision du présent, ni la divination de l’avenir »[18] ! L’espace mental inauguré par Thespis et son masque, puis consolidé dans la pensée par les sophistes, n’est pas une simple justification du mensonge et de la tromperie, mais bien plutôt la reconnaîssance que ce mensonge et ce dédoublement sont inhérents au discours et à la représentation. C’est une mise en garde dont Platon se moque[19] allègrement mais dont pourtant il joue subrepticement[20] : en quoi le petit théâtre des dialogues platoniciens est-il différents de tous les autres jeux d’ombres au fond de la caverne ? Certes, l’art des sophistes, exactement comme au théâtre, donne « aux mythes et aux événements le pouvoir de tromper », mais d’une manière telle que « celui qui faisait illusion était plus juste que celui qui n’y réussissait pas, et celui qui acceptait l’illusion plus sage que celui qui ne l’acceptait pas. »[21].
Voilà exactement où je voulais en venir. Ce tour de force de l’illusion fut, bien des siècles plus tard, acclamée par Charles Baudelaire en ces termes: « Je désire être ramené vers les dioramas dont la magie brutale et énorme sait m’imposer une utile illusion. Je préfère contempler quelques décors de théâtre, où je trouve, artistiquement exprimés et tragiquement concentrés, mes rêves les plus chers. Ces choses, parce qu’elles sont fausses, sont infiniment plus près du vrai : tandis que la plupart de nos paysagistes sont des menteurs justement parce qu’ils ont négligé de mentir »[22]. Le faux n’exclut pas le vrai, bien au contraire, il le suscite, il le fait jaillir… à la condition qu’on le reconnaisse comme tel, qu’on l’accepte (comme Gorgias) et qu’on le désire (comme Baudelaire). C’est dans cette perspective que Baudelaire réclame d’ailleurs le retour de l’artifice du théâtre antique : « je voudrais que les comédiens fussent montés sur des patins très hauts, portassent des masques plus expressifs que le visage humain, et parlassent à travers des porte-voix ; enfin que les rôles de femmes fussent joués par des hommes. »[23]. Le lien qui noue la magie brutale et énorme des dioramas au théâtre antique est simple : l’illusion qu’Agatharcos, le scénographe d’Eschyle, avait inaugurée au théâtre en introduisant un certain effet de perspective[24] dans le décor, le décorateur Pierre Ciceri[25], « sorcier favori » des romantiques français, en perpétua le prestige[26] par l’utilisation sur scène de tous les procédés mis au point par Daguerre avec qui il travailla : il utilisa par exemple, dans La Belle au bois dormant de Carafa (1825), un cyclorama mobile pour créer une « ravissante perspective devant les ondulations d’un bateau ».
Pour en revenir à ce qui unis secrètement Baudelaire à Gorgias, il ne fait aucun doute pour moi que le poète dandy[27] aurait façilement pu s’attribuer la pensée du sophiste qui « disait que l’être était invisible s’il n’était repris dans le paraître, et le paraître inconsistant s’il ne saisissait pas l’être »[28].
[1] « Rien dans la nature ne peut l’entraîner à ce comportement irrationnel, excessif, de prendre le pouvoir, de faire la guerre, sinon le masque, la figure du masque, à l’ombre duquel il peut relever le défi d’un monde dont on ne saura jamais la vérité, et qui relève donc fondamentalement de l’artifice. C’est le masque qui permet le sacrifice, qui permet de faire la guerre, lui seul qui permet l’exercice du politique. » (Jean BAUDRILLARD, Cool Memories I)
[2] « L’homme du monde est tout entier dans son masque. N’étant presque jamais en lui-même, il y est toujours étranger, et mal à son aise quand il est forcé d’y rentrer. Ce qu’il est n’est rien, ce qu’il paraît est tout pour lui. » Rousseau, émile, ou de l’éducation, livre IV
[3] réplique – le mot dit assez bien le lien qui uni l’être à l’autre. Il vient du latin replicare qui signifie replier ou plier en arrière. Il est intéressant d’apprendre que, vers 1840, ce terme prendra le sens de simulacre, de reproduction, de copie démultipliée d’un original. La réplique loin de détruire l’aura de l’original en augmente la portée… cf. Walter Benjamin, L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique,
[4] « Après le spectacle, il appela ce poète, et lui demanda s’il n’avait pas honte de mentir si publiquement. Thespis lui répondit qu’il n’y avait point de mal à dire et à faire de ces mensonges par manière de jeu. « Oui, reprit Solon en frappant avec force la terre de son bâton ; mais si nous souffrons, si nous approuvons un pareil jeu, nous le retrouverons bientôt jusque dans nos contrats. » Plutarque, Vie de Solon
[5] Le théâtre devient non plus le lieu du mensonge répandu (comme semble le craindre Solon) mais celui de la vérité dévoilée (comme le craignent tout homme de pouvoir). d’une vérité paradoxale (« je suis un mensonge qui dit toujours la vérité » cocteau)
[6] Solon devint Archonte d’Athène en 592 av. JC. L’une de ses principales réformes fut de supprimer l’esclavage pour dette. Il tente de prévenir ses concitoyens de la volonté de Pisistrate de devenir tyran : « Le sénat, partisan de Pisistrate, disait que Solon était fou ». Finalement, afin de précipiter les choses, Pisistrate s’inflige une « blessure volontaire », et vient auprès des Athéniens en « criant et disant qu’il l’avait reçue de ses ennemies » : « voilà comment il a renversé la démocratie », en jouant la comédie ! Je ne peux pas m’empécher de penser que l’incendie du Reichstag est du même ordre. Quoiqu’il en soit, il est pour moi évident que Solon met en parallèle le jeu mensongé de Thespis avec celui de Pisistrate : « Il interdit au poète Thespis de monter et de faire représenter ses tragédies, sous prétexte qu’elles n’étaient que futilités et mensonge, et quand Pisistrate se fut donné sa blessure : « Vous en verrez les conséquences » dit-il. » (Diogène Laërce, Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres, I, I, Flammarion)
[7] réflexion , spéculation… lumière, miroir… [[[[[[Le comtisme est philosophique en un second sens parce qu'il s'offre comme un système réflexif. La réflexion n'est pas ici le fait d'une pensée individuelle qui revient sur elle-même: le cogito cartésien s'était affadi au XIXe siècle en introspection, cette introspection que Comte attaquait chez Maine de Biran ou plutôt chez Victor Cousin: «On ne peut pas se mettre à la fenêtre pour se regarder passer dans la rue.»]]]]]]]
[8] « Considérons Eschyle, et réfléchissons à tout ce qu’il a apporté à la tragédie : il l’a mise en costumes, il lui a donné le cothurne qui relève les personnages, les figures des héros, les messagers de l’intérieur et de l’extérieur, il a fixé les actions qui doivent se faire sur la scène ou en descendant de la scène : ce que Gorgias a fait en ce qui concerne son art est du même ordre. » Philostrate, Vies des sophistes, I, IX, I – in Les écoles présocratiques, édition établie par Jean-Paul Dumont, Gallimard
[9] « Jadis, Parménide était lui aussi partisan d’une telle doctrine, pour autant qu’il réduisait au même l’être et l’intellect [...]. En disant : Car même chose sont et le penser et l’être [...] » Plotin, Ennéades, V, I, 8- in Les écoles présocratiques, édition établie par Jean-Paul Dumont, Gallimard
[10] Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII, 78
[11] Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII, 84
[12] Ib.
[13] Ib.
[14] bien au contraire, la vérité doit être dévoilée au moment opportun (kairos) qui est un des aspects de la prise de conscience de la puissance du discours, de sa force politique… la vérité n’est donc pas intemporelle, figée dans la transcendance, à l’écart du monde, mais prise dans le tourbillon du temps qui balaye le monde…
[15] « Que la persuasion, en s’ajoutant au discours arrive à imprimer jusque dans l’âme tout ce qu’elle désire, il faut en prendre conscience. [...] Il existe une analogie entre la puissance du discours à l’égard de l’ordonnance de l’âme et l’ordonnance des drogues à l’égard de la nature des corps. De même que certaines drogues évacuent certaines humeurs, et d’autres drogues, d’autres humeurs, que les unes font cesser la maladie, les autres la vie, de même il y a des discours qui affligent, d’autres qui enhardissent leurs auditeurs, et d’autres qui, avec l’aide malligne de Persuasion, mettent l’âme dans la dépendance de leur drogue et de leur magie » Gorgias, Éloge d’Hélène, 13-14 - in Les écoles présocratiques, édition établie par Jean-Paul Dumont, Gallimard
[16] « Celui-ci fut le premier inventeur de la rhétorique » Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XII, 53, 2
[17] « Gorgias de Léontium appartient à cette catégorie de philosophes qui ont supprimé le critère de la vérité » Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII, 65 – « [...] le critère de la vérité s’évanouit. » Ib. 87
[18] « Nombreux sont ceux, qui sur nombre de sujets, ont convaincu et convainquent encore nombre de gens par la fiction d’un discours mensonger. Car si tous les hommes avaient en leur mémoire le déroulement de tout ce qui s’est passé, s’ils <connaissaient> tous les évènement présents, et, à l’avance, les évènements futurs, le discours ne serait pas investi d’une telle puissance ; mais lorsque les gens n’ont pas la mémoire du passé, ni la vision du présent, ni la divination de l’avenir, il a toutes la facilités. » Gorgias, Éloge d’Hélène, 11 - voilà donc le secret de la puissance du discours : la non omniscience de l’homme. Il ne s’agit pas d’une simple ignorance à laquelle la science pourrait suppléer, mais de ce qui ne peut aucunement être comblé par cette dernière, c’est-à-dire une incapacité fondamentale à saisir la complète transformation de l’homme dans et par le temps. Loin d’être immuable, la vérité de l’homme est temporelle, emportée par les tourbillons du temps, façonnée par cet incessant mouvement. Le fait que l’homme n’a pas la mémoire du passé, ni la vision du présent, ni la divination de l’avenir laisse au discours un champs libre dans lequel il se déploie : il est, dans tous les sens du terme (mémoire, vision, divination), histoire, c’est-à-dire tentative de compréhension du temps, saisie de l’insaisissable. Cette conception du discours ne va pas à l’encontre de l’établissement d’une science, bien au contraire, elle le sollicite ; mais la science dont il s’agit est réfutable et falsifiable, non autoritaire. Elle laisse encore une place prépondérante à tout autre discours que celui, philosophique et/ou scientifique, sur le vrai : récit mythologique, jeu théâtral, illusion picturale. Contrairement à la conception de Platon, elle permet d’investir librement le vaste domaine de l’expression artistique. - Il est intéressant de comparer l’affirmation de Gorgias à ce que Platon, qui évidemment prend les choses par l’autre bout, écrit : « SOCRATE - Tant qu’on ne connaîtra pas la vérité sur chacune des choses dont on parle ou écrit, qu’on ne sera pas capable de définir chaque chose en elle-même, qu’on ne saura pas, après l’avoir définie, la diviser en espèces jusqu’à ce qu’on arrive à l’indivisible ; tant qu’on n’aura pas de même pénétré la nature de l’âme, reconnu l’espèce de discours qui convient à chaque nature, et disposé et ordonné son discours en conséquence, offrant à une âme complexe des discours complexes, ajustés de tout point à ses exigences, et à une âme simple des discours simples, jamais on ne sera capable de manier l’art oratoire aussi parfaitement que le comporte la nature du discours, ni pour enseigner, ni pour persuader, comme nous l’avons fait voir dans tout ce qui précède. » Platon, Phèdre, 227 – Ainsi, à la non-omniscience fondamentale de l’homme, Platon oppose la nécessité de la réminiscence, comme celle qu’il expériment sur l’esclave de Ménon…
[19] « On dit que Gorgias, ayant lu lui-même le dialogue qui porte son nom, a dit à ses intimes : « Comme Platon sait bien se moquer ! » Athénée, Les Deipnosophistes, XI, 505 D.
[20] Il est quand même curieux de constater la position ambiguë de Platon qui, se plaignant du « grave inconvénient » de l’écriture – celui de ne pas répondre aux questions qu’on lui pose -, n’en écrit pas moins… et qu’en fait de dialogue, il s’agit plutôt d’un ingénieux artifice mettant en scène toutes sortes de personnages souvent ridicules autour de la figure centrale de Socrate derrière laquelle Platon se cache. D’après Diogène Laërce, le vrai Socrate se serait exclamé après une lecture de Platon : « comme ce jeune homme me fait dire des choses qui ne sont pas de moi ! »
[21] Plutarque, Si les Athèniens ont été plus excellents en armes qu’en lettres, V, 348 c.
[22] Charles BAUDELAIRE, Salon de 1859, VIII, Le paysage
[23] « Mes opinions sur le théâtre. Ce que j’ai toujours trouvé de plus beau dans un théâtre, dans mon enfance, et encore maintenant c’est le lustre, – un bel objet lumineux, cristallin, compliqué, circulaire et symétrique. Cependant, je ne nie pas absolument la valeur de la littérature dramatique. Seulement, je voudrais que les comédiens fussent montés sur des patins très hauts, portassent des masques plus expressifs que le visage humain, et parlassent à travers des porte-voix ; enfin que les rôles de femmes fussent joués par des hommes. » Charles Baudelaire, Mon coeur mis à nu, Journal intime - il réclame en vain l’artifice que le théâtre qui lui est contemporain lui refuse avec de plus en plus d’acharnement…
[24] « Agatharque, instruit par Eschyle [des besoins de la décoration scénique], et qui le premier construisit une scène à Athènes, nous a laissé un Commentaire sur ce sujet. Instruit <à leur tour> par lui, Démocrite et Anaxagore ont écrit sur le même sujet : comment il convient, à partir d’un point fixe pris comme centre, de faire correspondre à la projection des rayons visuels les lignes [du décor] selon une proportion naturelle, afin que les images effectivements vues – mais correspondant à une réalité en trompe-l’œil – puissent donner l’aspect d’édifices [en relief] à des peintures de décor, et que les figures tracées sur une surface plane produisent l’apparence soit de recul, soit d’avancée. » Vitruve, De l’architecture, VII, Préface, II - in Les écoles présocratiques, édition établie par Jean-Paul Dumont, Gallimard. Il faut noter que c’est le travail d’Agatharque qui succite l’intérêt de Démocrite et d’Anaxagore : comme pour Gorgias, l’inventivité théâtrale précède les bouleversements de la pensée…
[25] Pierre Luc Charles Ciceri (1782-1868), décorateur en chef de l’Opéra, il réalisera des décors pour des ballets et pour les pièces romantique : Robert le Diable de Meyerbeer (1831) selon Théophile Gautier décor d’une «vérité prodigieuse»
Guillaume Tell de Rossini (1829) et Giselle d’Adolphe Adam (1841),
Utilise le gaz d’éclairage pour la mise en scène d’un opéra de Nicoló, Aladin, ou la Lampe merveilleuse (1822).
de Henri III et sa cour d’Alexandre Dumas père, «véritable événement dans l’art du spectacle» et de l’Othello de Vigny
Hernani de Victor Hugo
[26] « Prestige se dit aussi au figuré de tout ce qui peut éblouir, surprendre, faire illusion. C’est un prestige, lorsqu’une chose ne paraît pas ce qu’elle est, et qu’elle paraît ce qu’elle n’est pas. » Dictionnaire universel françois et latin (Dictionnaire de Trévoux), 1771
[27] « Le Dandy doit aspirer à être sublime, sans interruption. Il doit vivre et dormir devant un miroir. » Baudelaire, Mon cœur mis à nu, « Avant tout, le dandysme est une doctrine de l’apparence et une éthique de l’inversion contrôlée des signes de la présence et de la présentation; c’est également une esthétique du regard et une pratique magique de captation. » Jean-Pierre Martinon, mythe du dandy in Encyclopædia Universalis
[28] « Il disait que l’être était invisible s’il n’était repris dans le paraître, et le paraître inconsistant s’il ne saisissait pas l’être. » Proclus, Commentaire sur les Travaux et les Jours d’Hésiode, v.758