« Marie Fortunée Cappelle, veuve du sieur Pouch-Lafarge, est-elle coupable d’avoir, en décembre et janvier derniers, donné la mort à son mari, à l’aide de substances susceptibles de donner la mort, et qui l’ont donnée en effet ? »
Le 3 septembre 1840, Marie Cappelle a été jugé coupable d’avoir empoisonné Charles Pouch-Laffarge, son mari.
Né le 15 janvier 1816, Marie Fortunée Cappelle est une jeune fille de bonne famille – sa tante Louise Collard était la femme de Paul Garat, sécrétaire général de la Banque de France, tandis que son grand-père, Jacques Collard, avait été un député respecté. Ce dernier fut notamment le tuteur du jeune Alexandre Dumas qui raconte avoir croisé deux ou trois fois Marie Cappelle alors qu’elle n’était qu’une enfant. La grand-mère de Marie était Madame de Genlis [la grand-mère serait Hermine Campton que l'on soupçonne d'être une fille illégitime de Philippe Egalité] … Félicité de Genlis avait eu la charge de l’éducation des enfants de Philippe Egalité parmis lesquels se trouvaient Louis-Philippe, le futur roi des français… de mauvaises langues prétendent que Madame de Genlis fut la maitresse de Philippe Egalité… Il ne fait aucun doute que l’affaire Lafarge embarrasse le pouvoir en place…
Charles Laffarge, veuf d’un premier mariage, possédait une forge, vraisemblablement hérité de son père (on trouve dans les Annales des Mines, une ordonnance datée du 30 avril 1823 autorisant Jean-Baptiste Pouch-Lafarge « à construire une forge à deux feux dans le local dit le Moulin de Glandier, commune de Beyssac, département de la Corrèze.») L’endroit est en vérité sordide, infesté de rats…
Le 14 janvier 1839, Charles meurt… après avoir mangé un gâteau… Le jour suivant, la justice perquisitionne et trouve des traces d’arsenic partout… plusieurs expertise du corps du défunt sont effectuées, mais elles restent négatives… On fait alors appel au docteur Mathieu Orfila, doyen de la Faculté de Paris, qui, grâce à l’appareil mis au point par James Marsh, parvient à détecter une quantité impondérable d’arsenic dans les viscères du mort…
François Raspail, le chimiste, est appelé par la défense pour une contre-expertise… malheureusement, après un interminable voyage, il ne parviendra pas à temps au procès : « Je suis arrivé huit heures trop tard à Tulle ». « j’avais acquis la conviction intime, que, si la condamnation de madame Laffarge n’était obtenue qu’à l’aide de certaines expertises légales , et notamment de la dernière, l’accusée allait tomber victime d’une déplorable erreur judiciaire et d’un plus déplorable système d’investigation chimique. »
- vol de diamant de Mme de Léautaud :
« Marie Capelle, veuve du sieur Charles Pouch-Lafarge, était poursuivie pour avoir empoisonné son mari : pendant l’instruction relative à ce crime, une perquisition faite dans le domicile de la veuve Lafarge ayant fait découvrir des diamants qui furent reconnus pour être la propriété de la dame de Léotaud, un arrêt de la chambre d’accusation de la Cour royale de Limoges renvoya Marie Capelle, veuve Lafarge, devant la Cour d’assises de la Corrèze sous l’accusation d’avoir empoisonné son mari, et en même temps devant le tribunal de police correctionnelle de Brives sous la prévention du vol des diamants de la dame de Léotaud. Ce fut avant sa comparution devant la Cour d’assises de la Corrèze que la dame veuve Lafarge fut citée en police correctionnelle comme prévenue de vol. [...] — La veuve Lafarge, qui déclara ne pas vouloir se défendre, fut, par un jugement par défaut, déclarée coupable du vol qui lui était imputé, et condamnée à deux années d’emprisonnement. » (Journal du palais, 23 octobre 1840)
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Documents :
- Émile Lassalle, Portrait de Madame Lafarge, en buste, de profil dirigé à droite, 1840
- Journal Politique et Littéraire de Toulouse - Vendredi 11 septembre 1840 – N°128
- Journal Politique et Littéraire de Toulouse – Dimanche 13 septembre 1840
- Journal Politique et Littéraire de Toulouse - Samedi 19 septembre 1840 – N°132
- F. V. Raspail, Accusation d’empoisonnement par l’arsenic: mémoire à consulter à l’appui du pourvoi en cassation de Dame Marie Cappelle, Ve Laffarge, in Gazette des hôpitaux, octobre 1840
- Procès de Madame Laffarge, Vol de diamants, Pagnerre éditeur, 1840
- Mémoires de Marie Cappelle: veuve Lafarge, écrits par elle-même, Tome 1 – Tome Second, 1841
- Procès de Mme Laffarge in La Mosaïque du Midi, cinquième année, pp 65-115 – 1841
- Les Mémoires de Mme Lafarge, article d’Auguste Desplaces in Revue de Paris, Tome XXXV, pp 26-42 – 1841
- Annuaire Historique Universel, ou histoire politique pour 1840, Tulle. Cours d’Assise de la Corrèze. – Affaire Lafarge. – Accusation d’empoisonnement d’un mari par sa femme pp 258-268 – 1841
- Mathieu Orfila, Mémoire sur plusieurs affaires d’empoisonnement par l’arsenic, Affaire Laffarge, in Mémoires de l’Académie Royale de Médecine, Tome Neuvième, pp 42-54 – 1841
- Mémoires de Marie Cappelle, Veuve Lafarge, Tome Quatrième, A. René, 1842
- Histoire, procès et condamnation des criminels célebres, Procès de Madame Laffarge, Tome Premier, B. Regnault éditeur, pp 205-264 – 1843
- Marie Lafarge, Heures de prison, 1855
- LAFARGE (Marie CAPPELLE, femme POUCH-) in Nouvelle biographie générale, Tome 28, pp 680-684 – 1859
- L’affaire Lafarge in La Chronique médicale : revue bi-mensuelle de médecine historique, littéraire & anecdotique. – 1914.
- Une Cause Célèbre in L’Abeille de la Nouvelle Orléans, Dimanche 23 mars 1913 (comité de révision du procès de Marie Cappelle – lettre du fils de Raspail sur la fausseté de la phrase, mainte fois reprise, sur l’arsenic… …)
- Henri robert, L’affaire Lafarge in Les grands procès de l’histoire, pp. 239- , 1924
- « Tout le monde croyait que l’Affaire Lafarge, vieille de 160 ans était enterrée. Mais la découverte de documents exceptionnels, par Edouard de Lamaze, arrière petit-neveu d’une protagoniste de l’intrigue, Emma Pontier, vient de donner un souffle nouveau à cette sombre affaire dont le procès eut lieu à Tulle le 18 septembre 1840. » Les rebondissements de l’affaire Lafarge, 160 ans après… (lien mort)
- Chantal Sobieniak, Rebondissements dans l’affaire Lafarge, 2010
- « Le marchand Jacques Bonnel est mort le 20 août 1816 à Vigeois [...] le soir du 15 octobre suivant, une foule tumultueuse s’est rassemblée dans le quartier du cloître, au centre du bourg. On vient de retrouver la dépouille de Jacques Bonnel. On peut voir les morceaux de son corps jetés dans les latrines d’une maison inoccupée appartenant aux époux Jean-Baptiste et Adélaïde Pouch-Lafarge. Les familiers de la célèbre Affaire Lafarge auront reconnu en ce couple les parents de Charles, le soi-disant empoisonné du Glandier… » Chantal Sobieniak, Inventaire d’un marchand de Vigeois,
« Le brevet d’invention de quinze ans délivré, le 14 décembre 1839, à M. Pouch-Lafarge (Dorothée-Charles-Joseph), maître de forges, au Glandier, (Corrèze), faisant élection de domicile à Paris, rue Saint-Anne, n° 79, pour une nouvelle fabrication du fer économisant les deux tiers du temps et les deux tiers du combustible. » Bulletin du Ministère de l’Agriculture et du Commerce
Annuaire historique universel ou, histoire politique pour 1840, Tulle. Cour d’assises de la Corrèze. — Affaire Lafarge. — Accusation d’empoisonnement d’un mari par sa femme. , p.258, 1841