Œuvre dont on ne peut jouir véritablement que dans l’intimité, ce tableau de Courbet resta longtemps caché et totalement méconnu du public.
Jacques Lacan acquit ce tableau en 1955 et demanda à André Masson de lui confectionner un « masque » qui en déroberait les indécentes courbes aux yeux du tout venant. Il faut pourtant bien admettre que certaines manières de cacher en dévoilent plus qu’elles ne dérobent : les traits de Masson suivant ceux de Courbet, un paysage équivoque prend forme de telle sorte que se trouvent superposés « deux exposés des mêmes faits en deux langues différentes » (Freud, L’interprétation des rêves, VI – le travail du rêve).
J’imagine avec jubilation, le petit jeu de Lacan : montrer le paysage de Masson sans en dévoiler le secret ! Contenu manifeste visible recélant en son sein un contenu latent… bref, une parfaite illustration de la psychanalyse même !
En 1995, le tableau de Courbet fut cédé à l’Etat par la famille de Lacan… il est depuis lors visible au Musée d’Orsay. Un épais cadre richement doré comprime malheureusement l’ouvrage en question. Le message est, à mes yeux, limpide : ainsi lourdement encadré, le tableau est désormais rattaché au champ de l’histoire de l’art officiel. Attention, ceci est un chef-d’oeuvre et non plus un vulgaire objet de jouissance personnel !
« Désormais livrée au regard public, la femme impudique de Courbet rappelle si besoin est, qu’aucun tableau n’a jamais été peint pour finir au musée. » – Michel Makarius, Un portrait sans visage
