plourach rochellou cp 1918

Le 6 octobre 1916, un jeune breton trouva la mort loin de chez lui… dans la boue épaisse des plaines de la Somme où il repose encore. Il avait tout juste 20 ans… Mort Pour la France

Yves HIGUINEN est né le lundi 9 mars 1896 à Plourac’h en Bretagne.

C’est toutes les prémisses d’un siècle nouveau qui, ce mois là, surgissent : le 1er mars, un dimanche, Henri Becquerel découvre par hasard la radioactivité naturelle… le 14 mars Pierre de coubertin débarque à Athènes pour préparer les premiers jeux olympiques de l’ère moderne … le 30 mars, le mot psychanalyse fait sa première apparition en France… C’est aussi en ce même mois de mars que, dans l’ombre, le destin du capitaine Dreyfus est, entrain de se jouer… Bref, c’est déjà au XXième siècle qu’Yves voit le jour.

Il faut pourtant avouer que je ne sais absolument rien de la vie du jeune Yves HIGUINEN dont l’existence, happé par l’histoire du monde, ne laissa de trâce dans la mémoire des hommes qu’au moment où elle disparaissait.

Un évènement mémorable survint pourtant dans la petite commune de Plourac’h à l’occasion du grand pardon de 1907 : « Le dimanche 21 juillet, vers 6 heures du soir , un orage s’est abattu sur la commune de Plourac’h au lieu-dit Saint Guinolet (Gwénolé), et à causé plusieurs victimes dont deux morts.
M. Plourin qui se trouvait sur les lieux au moment où la foule venait de se réfugier dans la chapelle, a aperçu la foudre tombant sur le clocher; à ce moment les personnes qui s’y trouvaient subirent une commotion et tombèrent les uns sur les autres; seul Plourin est resté debout; il a ressenti une légère brûlure au gros orteil du pied gauche et son soulier a été déchiré et les clous enlevés.
Lorsque les personnes tombées dans l’église sont revenues à elles, une panique s’est produite, tout le monde a pris la fuite, fortement impressionné et on a constaté la présence du cadavre d’une femme, Jeanne Marie Joncour, 32 ans, habitant Bolazec (Finistère), laquelle se trouvant sous le clocher avait été foudroyée. Le fluide a également atteint un jeune garçon, Pierre Morvan, âgé de 16 ans, domestique à Plourac’h; ce dernier a pu faire quelques pas et il est tombé hors de l’église.
Plusieurs personnes ont aperçu la foudre sous forme d’une boule de feu qui passait à peu de hauteur au dessus du sol et qui avant d’atteindre la chapelle a entaillé un sapin et jeté à terre sans plus de mal deux personnes qui passaient. En tombant sur le clocher la foudre a brisé la croix de fer qui tombant sur une marchande de bonbons devant l’église a failli la tuer. » (DRAME A PLOURAC’H -Une chapelle foudroyée – Plusieurs victimes, deux tués. in l’Echo Guingampais datant du samedi 27 juillet 1907) Une complainte fut écrite (La gwerz de Saint Guénolé)

Voilà qui préfigure, à mes yeux, l’effroyable tempête qui allait bientôt s’abattre sur la France… Le 28 juin 1914 – encore un dimanche – un étudiant bosniaque de 19 ans, Gavrilo Princip, assassine l’archiduc François Ferdinand et sa femme. Les élèments de l’histoire se déchainent alors, et entraînent les hommes, impuissants à les appaiser, dans le tourbillon de leur dévastation. Le 31 juillet 1914, Jaurès est assassiné par Raoul Villain… Le 4 août, la France est en guerre !

En mars 1916, Yves Higuinen fêta ses 20 ans… Or, le 7 août 1913 une nouvelle loi sur le recrutement de l’armée avait été adoptée, qui rétablissait la durée du service à 3 ans et abaissait l’âge d’incorporation à 20 ans. Yves fêta donc ses 20 ans et fut aussitôt incorporé comme simple soldat dans le 150ème Régiment d’Infanterie.

Il est important de préciser que le mois de mars avait été diffiçile pour le 150ème RI : le régiment avait, en effet, subit de très lourdes pertes sur le champ de bataille de Verdun, tout particulièrement à cet endroit dont le nom suffit à évoquer l’étendu du carnage : Mort-Hommes !

«Pour lui permettre de se reformer et de combler les vides causés dans ses rangs par la bataille de Verdun, le 150e est envoyé successivement dans les secteurs calmes du Bois d’Ailly, devant Saint-Mihiel, et du « Rendez-vous des Chasseurs », près de Badonvillers. Il s’entraîne ensuite pendant deux semaines au camp de Saffais.» (Historique du 150e RI)

Et combler les vides, celà signifie en langage militaire envoyer au feu des bleus à peine formé. La classe 1916 combla donc les vides… et Yves était l’un de ceux-là !

«Le régiment est embarqué à Bayon le 10 septembre : il débarque dans la région du camp de Crèvecoeuril poursuit son entraînement pendant quinze jours, puis il monte en ligne le 28 septembre entre Rancourt et Sailly. L’ennemi, qui vient de perdre Bouchavesnes et Rancourt, se cramponne avec une énergie farouche dans Sailly-Saillisel, son dernier observatoire sur nos lignes dans la région. C’est le moment le plus dur de la bataille, d’autant qu’à l’âpreté du combat s’ajoute brusquement la pluie qui transforme en un immense marécage ce terrain pulvérisé. » (Historique du 150e RI)

«Le 6 octobre se déclencha l’offensive sur Sailly Saillisel.

Pour approcher du village, il fallait enlever les tranchées de Carlsbad, de Terplitz et de Berlin, ainsi que les ouvrages de défense : forteresses et nids de mitrailleuses de la lisière du bois de Saint-Pierre-Waast et fortifications dénommées Ouvrages Tripot, aux abords ouest du château de Sailly-Saillisel. Cela représentait une avance d’au moins 1200 mètres.

Le 150e régiment d’infanterie et le 161e attaquèrent en face du village, ayant à leur droite le 154e régiment d’infanterie et le 135e et, à leur gauche, les Anglais. Les chasseurs de Messimy attaquaient sur le bois de Saint-Pierre-Waast.

higuinen 1916L’assaut fut donné à 14 heures, sur un front de vingt-cinq kilomètres, par un temps gris, froid et sec. Une heure plus tard, la plupart des objectifs étaient atteints et certains même dépassés.» (chtimiste)

Comme l’atteste ce document, trouvé par hasard dans la base de données Mémoire des Hommes , Yves Marie HIGUINEN est donc Mort pour la France le 6 octobre 1916 à Sailly Saillisel

Il repose dans la Nécropole Nationale de RANCOURT dans la Tombe individuelle N° : 4569

Une plaque à son nom est, par ailleurs, apposée sur le monument aux morts de Plourac’h

Ma famille vient de ce coin là de Bretagne, et je porte presque le même nom que ce jeune homme de 20 ans mort – comme ils disent – pour la France… c’est-à-dire pour rien !

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