amelie poulain jeunet

N’avez-vous pas remarqué que ce autour de quoi s’enroule ce film, c’est-à-dire l’amour, cet attracteur étrange selon la loi cachée duquel s’ordonne les éléments éparts de l’histoire, a pour unique moteur le regard , la vision, la pulsion scopique dont le film décline tous les dispositifs (photomaton, peinture, peep-show, cinéma, télévision, affiche, longue-vue, fenêtre, judas…) ? Plan après plan, il n’est question que de ça : de la force avec laquelle le regard plie le réel à sa convenance et au désir du sujet qui voit (le réel ne se laissant pas pour autant faire : si la petite Amélie photographie les nuages dont la forme épouse celle de son désir aux satisfactions enfantines, cette action n’est pas sans effet dans le réel : «Elle s’effondre devant la télé, accablée de la responsabilité d’un gigantesque incendie, de deux déraillements et du crash d’un boeing 747.» )

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Avant toute chose, avant même le générique du début de film, est défini le point de vue à partir duquel la (dé)monstration va se faire : « Le 3 septembre 1973, à 18 heures 28 minutes et 32 secondes, une mouche de la famille des calliphoridae capable de produire 14670 battements d’ailes à la minute se posait rue Saint Vincent, à Montmartre. [une voiture passe et écrase ladite mouche] A la même seconde à la terrasse d’un restaurant à deux pas du Moulin de la Galette, le vent s’engouffrait comme par magie sous une nappe faisant danser les verres sans que personne ne s’en aperçoive. Au même instant, au cinquième étage du 28 de l’avenue Trudaine dans le 9ème arrondissement, Eugène Colère, de retour de l’enterrement de son meilleur ami Emile Maginot, en effaçait le nom de son carnet d’adresses. [soupir] Toujours à la même seconde un spermatozoïde pourvu d’un chromosome X appartenant à M. Raphaël Poulain se détachait du peloton pour atteindre un ovule appartenant à Mme Poulain née Amandine Fouet. Neuf mois plus tard naissait… Amélie… Poulain. » Une mouche1, le vent, un enterrement et un, un seul et unique, spermatozoïde : telles sont les hasardeuses conditions initiales aux fortuites variations desquelles la suite de l’histoire est, en dépit de toute probabilité, sensible.

Précision allant jusqu’à l’insignifiance, simultanéité des évènements, et enfin ubiquité sont les dons que seuls les créateurs (qu’ils soient dieux, écrivains ou scénaristes), par leur omnipotence sur leurs créatures, possèdent (si parfois l’homme y prétend, c’est au risque d’entretenir une perception paranoïaque du monde – telle celle de « Joseph l’amant jaloux éconduit par Gina », qui scrupuleusement observe, note et enregistre les moindres faits et gestes de ses maîtresses…. C’est encore a contrario – c’est-à-dire au cas le plus fréquent où, à cette omnipotence, on n’y parvient pas – la possibilité de s’enfoncer dans une position dépressive comme celle d’Hippolito, l’écrivain raté qui « écrit à l’avance la version catastrophe de ce qui pourrait lui arriver »2).

Dans cette perspective où le spectacle du monde (speculum mundi) est entièrement visible, les lois qui régissent ce monde sont strictement déterministes : le narrateur du film se trouve exactement dans la position décrite par Laplace en des termes célèbres, « [d’]une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, […], embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome: rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux.» (Essai philosophique sur les probabilités, 1814.) C’est bien sous un tel regard que le fabuleux destin d’Amélie Poulain se cristallise !

Cette détermination absolue n’élimine pourtant pas la contingence de la vie d’Amélie : c’est même par une série d’accidents (la fictive maladie de cœur, le poisson rouge neurasthénique et suicidaire, le soi-disant accident provoqué par son InstaMatic, la mort imprévue de sa mère… la mort de Lady Diana) que son destin prend forme. Une géométrie du hasard (aleae geometria), enchaînant rigoureusement des événements aléatoires, régie l’espace dans lequel se dessine, à son insu, la vie d’Amélie : « Nous sommes le 29 août. Dans 48 heures le destin d’Amélie Poulain va basculer. Mais ça, pour le moment, elle n’en sait rien.»

C’est sur l’étendu de cet espace où, comme l’écrit Gaston Bachelard, « l’objectif pur correspond à un visuel pur », qu’Amélie Poulain lance un regard panoramique par lequel elle voit ce qui ne devrait pas être vu : « Le temps n’a rien changé… Amélie continue à se réfugier dans la solitude. Elle prend plaisir à se poser des questions idiotes sur le monde ou sur cette ville qui s’étend là sous ses yeux : combien de couple, par exemple, sont-ils entrain d’avoir un orgasme à cet instant précis ?[nous voyons rapidement défiler quinze couples en action] – quinze ! [répond Amélie en se tournant vers le spectateur.] » Il est a noter qu’à cet instant il nous est montré sans aucune pudeur ce que plus tard, à la fin du film, il nous sera interdit de voir : l’amour charnel à son paroxysme ! Cette impudeur initiale prouve que l’élision finale de la relation sexuelle entre Nino Quincampoix et Amélie n’est pas d’ordre moral mais que, du film/destin qui s’y précipite, elle en constitue le point aveugle (Ponctum Caecum)3.

Cette vision (qui, prit au sens shamanique du terme, place les choses moins sur le plan du voyeurisme que de la voyance ) clos la longue introduction dans laquelle est définie la diégèse4 du film. Il ne reste plus qu’à donner l’impulsion nécessaire à mettre en branle le mécanisme du destin d’Amélie : annonce de la mort de Lady Di (grâce à quoi le film s’inscrit dans une époque strictement déterminée5 : le 31 août 1997), chute du bouchon de parfum, découverte de la cachette…

« Seul le premier homme a avoir pénétré à l’intérieur du tombeau de Toutankamon pourrait comprendre l’émotion d’Amélie tandis qu’elle découvre cette cachette au trésor qu’un petit garçon a prit soin d’enfouir il y a une quarantaine d’année. »

Remarquez que cette séquence, initiée par la mort, aboutit par la mise à jour d’un tombeau !

La mort, la mort, sans même qu’on y prenne garde, traverse ce film de part en part. Sa présence, légère, n’en est pas moins récurrente : mort de la mère d’Amélie, mort de Lady Diana, mort du mari de la concierge… elle en vient même à se présenter sous sa forme de pacotille dans une fête foraine : squelette du train fantôme. Ici encore, comme dans le mythe de Psyché 6, l’amour s’y rencontre sous le masque de la mort7.

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(Psyché a besoin de voir ! elle ne peut aimer sans la vision de ce qu’elle aime. Il ne s’agit pas de curiosité mais bel et bien de nécessité : l’aveuglement engendre des monstres. Si la pensée maintenue dans la nuit engendre la peur, le mythe de Psyché nous révèle que celle éclairée par les lumières brutales de la vérité erre du côté de la mort et de son royaume.)

une lutte s’engage dans la vie contre l’effondrement de l’être dans la mort : la mémoire, et tous les procédés utiles à son inscription (photographie, peinture, écriture…), s’érigent contre l’oubli.

« – regardez, il est encore là !
– Oh mais oui, c’est étrange…
– et ici !
– … oui, gare de Lyon.
– et ici encore… 5 mars, Austerlitz !
– toujours la même expression. hein, aussi neutre.
– douze fois en tout. j’ai compté ! c’est quand même bizarre. Pourquoi allez se faire photographier régulièrement aux quatre coins de la ville, si c’est pour jeter les clichés juste après ?
– … et surtout qu’ils sont en parfait état.
– on dirait une sorte de rituel.
– il est peut-être tellement obsédé par la peur de vieillir que c’est la seule chose qui le rassure ?
– c’est un mort !
– un mort ?
– mais oui, un mort qu’à peur de basculer dans l’oubli, alors euh il se sert du photomaton pour rappeler son visage aux vivants. un peu comme s’il faxait son image depuis l’au-delà !
– un mort qui aurait peur de basculer dans l’oubli… et bien pour eux [se tournant vers sa reproduction de Renoir] en tout cas c’est gagné ! ils sont morts depuis longtemps mais ils ne basculeront jamais dans l’oubli ! »

nino

C’est dans cet optique que le jeune Quincampoix collectionne toutes ces choses éphémères dont la vie est faite et qui, non seulement disparaissent avec elle, mais encore disparaissent, par leur insignifiance et leur anonymat, dans la vie même. Double disparition qui rend ces choses – rires, empreintes de pas, photos d’identité ratées et déchirées – précieuses. « les temps sont durs pour les rêveurs ! »

Les morts viennent hanter (tenter ?!) les vivants qui, par toute sorte de rituel, en perpétue la pesante présence : le ridicule mausolée que le père d’Amélie confectionne en mémoire de sa femme, le tableau de Renoir que Monsieur Duffayel reproduit chaque année depuis vingt ans, les lettres d’un mari infidèle que la concierge conserve… chacun se trouve ainsi figé en un lieu et réduit à la répétition du même par la commémoration d’un(e) mort : l’espace et le temps ainsi ritualisés forment un cercle dont le centre est la place vide laissé par un être aimé. À chacun son cerclexx : son centre qui le retient et sa circonférence qui le limite. À chacun son domaine intérieur et son inconnu extérieur. À chacun sa chambre noire (camera obscura). L’enfermement de Mr Duffayel, la solitude du père d’Amélie, les lamentations de la concierge. Mais, pour reprendre le mot de Bergson, l’action (d’Amélie) brisera le cercle (des superstitions) : « Amélie va changer leur vie. »

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En ce qui concerne Amélie, un découpage s’effectue franchement entre l’espace public et l’espace privé, soutenue à l’écran par l’opposition chromatique vert/rouge (opposition que l’on retrouve, en dépit d’une superstition cinématographique8 , sur l’affiche du film). Dichotomie dont la plus grande expression sera visible quand elle sera sur le point même de disparaitre : de part et d’autre de la porte d’Amélie, au seuil de leur rencontre, au point où le destin se joue, chacun des deux futurs amants, l’oreille collé à cette porte, soupçonne la présence de l’autre. Respiration retenue avant que la porte ne s’ouvre. Ici, et seulement ici, la vue est sans effet9 !

Le comble de la misère est donc, dans ce film, la cécité. À l’opposé des figures mythiques comme celle de Tirésias dont l’aveuglement est la condition même de sa puissance oraculaire, ou encore des figures philosophiques pour qui, à l’instar de Démocrite, « la vision des yeux fait obstacle à la pénétration d’esprit » (Cicéron), l’aveugle du film ne trouve aucune compensation à son état10 . La perte de la vision équivaut à la perte de la relation au monde, à un enfermement de soi en soi-même :« si tu n’étais pas là, comment pourrais-je vivre ? », telle est le titre de la chanson de Fréhel que l’aveugle se passe en boucle dans le métro lorsqu’Amélie le croise pour la première fois. Puis, le prenant par le bras pour lui décrire le spectacle du monde auquel sa cécité le soustrait (la veuve du chef de la fanfare qui porte la vareuse colorée de son défunt mari… le bébé qui regarde11 un chien qui regarde des poulets… ), Amélie lui redonne pour un instant la faculté de voir : et c’est en lui une joie concrétisée par un halo de lumière, une aura… Plus tard, lorsque Nino découvrira l’identité de l’inconnu des photomatons, une semblable auréole baignera sa tête déjà illuminée par son sourire.

À l’instar des philosophies anciennes12, la lumière est ici source d’une connaissance du monde qui, en l’homme, génère la joie (jouissance de soi par la rencontre de l’autre)… Charles de Bovelles13 affirmait déjà la nature spéculaire de l’homme, celui-là même dont l’être est un miroir, un oculus mundi (œil du monde). De cet être recevant sa forme de l’Autre, la lumière en soutient nécessairement l’ontologie.

Si Charles de Bovelles vous semble à ce point lointain qu’il en devient douteux, Jacques Lacan pour qui « le désir de l’homme est le désir de l’Autre » retrouve cette relation spéculaire de l’être dans l’autre (ou de l’autre dans l’être).

Lacan insiste souvent sur le fait que « chacun reçoit son message sous une forme inversée » : ainsi profitant de la double articulation du langage, une inversion consonantique se produit entre Bredoteau et Bretodeau, induisant Amélie en erreur à laquelle s’ajoute l’ambiguïté masculin / féminin du prénom Dominique… Dans le même registre, en un chiasme de la chaîne signifiante comparable à celui des rayons lumineux en optique , Mr Dufayel, l’homme [aux os] de verre, s’interroge sur la fille au verre d’eau ! Parlant de son tableau, il touche du même coup Amélie qui, au même moment, tient un verre d’eau dans sa main : « Après toutes ces années, le seul personnage que j’ai du mal à cerner, c’est la fille au verre d’eau. Elle est au centre, et pourtant elle est en dehors. »

Décentrement


Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (2001)
film de Jean-Pierre Jeunet
d’après un scénario de Guillaume Laurant


notes

1 cette histoire de mouche n’est pas sans précédent philosophique : « Si tu pouvais déranger la destinée d’une mouche, il n’y aurait nulle raison qui pût t’empêcher de faire le destin de toutes les autres mouches, de tous les autres animaux, de tous les hommes, de toute la nature ; tu te trouverais au bout du compte plus puissant que Dieu. » Voltaire, Dictionnaire Philosophique Portatif, article Destin, 1764. – Il n’est sans doute pas nécessaire de mentionner que le spermatozoïde fait l’objet d’intéressant calcul de probabilité

2 il est d’ailleurs à remarquer que l’on pourrait dresser un catalogue nosographique assez impressionnant : je pense par exemple à Georgette, la buraliste hypocondriaque… mais aussi à Mr Dufayel ou encore à Collignon.

3 « (comme la rétine est aveugle au point d’où se répandent en elle les fibres qui permettront la vision). » Maurice Merleau-Ponty, Le visible et l’Invisible, notes de travail, p.301

4 « La diégèse est l’univers spacio-temporel désigné par le récit. » Gérard Genette, Figures III.

5 certains anachronismes ont été signalés : la WolksWagen …

6 Psyché, sous l’influence de ses soeurs jalouses, éclaire le visage de son mystérieux amant : « Alors Psyché, dont le corps et l’âme ne sont que faiblesse, puisant pourtant des forces dans la cruelle volonté du destin, trouve de la vigueur, sort la lampe [...]. Mais, dès que la lumière eut éclairé tout le mystère du lit, elle voit, de tous les monstres, le plus charmant, le plus délicieux, l’Amour lui-même [...]. » (Apulée, L’Âne d’or ou les métamorphoses, Livre V, 22.)

7 « Sans aucun doute, c’est par l’intermédiaire des masques que le masculin, le féminin, se rencontrent de la façon la plus aiguë, la plus brûlante. » « L’homme, en effet, sait jouer du masque comme étant ce au-delà de quoi il y a le regard. » Jacques LACAN, Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, IX, qu’est-ce qu’un tableau ?, 1964.

xx « Mon oeil, qu’il soit perçant ou faible, ne voit pas au-delà d’un certain espace, et dans cet espace je vis et j’agis, cette ligne d’horizon est mon plus proche destin, grand ou petit, auquel je ne peux échapper. Autour de chaque être s’étend ainsi un cercle concentrique qui a un centre et qui lui est propre. » Nietzsche, Aurore, Livre deuxième, 117. En prison

8 Selon cette superstition, la couleur verte est à proscrire des affiches de film.

9 « Selon une formule que j’aime a répéter, la matière est aveugle à l’équilibre là où la flèche du temps ne se manifeste pas ; mais lorsque celle-ci se manifeste, loin de l’équilibre, la matière commence à voir ! » Ilya Prigogine, La fin des certitudes – j’ignore évidemment ce que cette citation veut dire, néanmoins je la trouve jolie…

10 je devrais aller jeter un œil (hé hé) à la Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient de Diderot…

11 « […] le regard est l’instrument par où la lumière s’incarne […] » Jacques LACAN, Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, IX, qu’est-ce qu’un tableau ?, 1964.

12 Je ne résiste pas au plaisir de citer in extenso ce texte qui, résumant la pensée du Pseudo-Denys l’Aréopagite, source du Moyen-Âge des cathédrales, résonne singulièrement avec ce dont il est question ici : « Au cœur de l’œuvre, cette idée : Dieu est lumière. A cette lumière initiale, incréée et créatrice, participe chaque créature. Chaque créature reçoit et transmet l’illumination divine selon sa capacité, c’est-à-dire selon le rang qu’elle occupe dans l’échelle des êtres, selon le niveau où la pensée de Dieu l’a hiérarchiquement située. Issu d’une irradiation, l’univers est un jaillissement lumineux qui descend en cascades, et la lumière émanant de l’Être premier installe à sa place immuable chacun des êtres créés. Mais elle les unit tous. Lien d’amour, elle irrigue le monde tout entier, elle l’établit dans l’ordre et dans la cohésion et, parce que tout objet réfléchit plus ou moins la lumière, cette irradiation, par une chaîne continue de reflets, suscite depuis les profondeurs de l’ombre un mouvement inverse, mouvement de réflexion, vers le foyer de son rayonnement. De la sorte, l’acte lumineux de la création institue de lui-même une remontée progressive de degré en degré vers l’Être invisible et ineffable dont tout procède. Tout revient à lui par le moyen des choses visibles qui, aux niveaux ascendants de la hiérarchie, réfléchissent de mieux en mieux sa lumière. Ainsi le créé conduit-il à l’incréé par une échelle d’analogies et de concordances. Elucider celles-ci l’une après l’autre, c’est donc avancer dans la connaissance de Dieu. Lumière absolue, Dieu est plus ou moins voilé dans chaque créature, selon qu’elle est plus ou moins réfractaire à son illumination ; mais chaque créature le dévoile à sa mesure, puisqu’elle libère, devant qui veut l’observer avec amour, la part de lumière qu’elle recèle. » Georges Duby, Le Temps des Cathédrales, l’art et la société, 980-1420, La cathédrale, 5 – Dieu est lumière.

13 Charles de Bovelles (1478-1567)… Livre du sage, Livre du néant, L’Art des opposés

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x « La mort… est du domaine de la foi. Vous avez bien raison de croire que vous allez mourir, bien sûr. Ça vous soutient ! Si vous n’y croyez pas, est-ce que vous pourriez supporter la vie que vous avez ? Si on n’était pas solidement appuyé sur cette certitude que ça finira… est-ce que vous pourriez supporter cette histoire ? Néanmoins, ce n’est qu’un acte de foi. » Lacan, Conférence de Louvain, 1972


 

« Nino est en retard. Pour Amélie, il n’y a que deux explications possibles : Premièrement, il n’a pas trouvé la photo. Deuxièmement, il n’a pas eu le temps d’achever la reconstitution parce que trois truands, multi-récidivistes qui venaient de braquer une banque l’ont pris en otage. Poursuivis pas tous les flics du département, ils ont réussi à les semer, mais lui a provoqué un accident. Quand il a reprit conscience, il ne se souvenait de rien. Un routier ex-taulard l’a pris en stop, et le croyant en cavale, l’a planqué dans un container en partance pour Istanbul. Là il est tombé sur des aventuriers Afghans qui lui ont proposé de partir avec eux pour voler des têtes de missiles Soviétiques. Mais leur camion a sauté sur une mine à la frontière du Tadjikistan. Seul survivant, il a été recueille dans un village de montagnards, et il est devenu militant Moudjahidin. Alors Amélie ne voit vraiment pas pourquoi elle se mettrait dans un état pareil pour un type qui va passer le reste de ses jours à manger du bortsch avec un stupide cache-pot sur la tête ! »

 

« Nous sommes le 28 septembre 1997, il est exactement 11h du matin. A la foire du Trône, à deux pas de la chenille des Carpates, la machine à malaxer la guimauve malaxe la guimauve. Au même instant, sur un banc du square Villette, Félix L’Herbier découvre que le nombre de connexion possible dans un cerveau humain est supérieur au nombre d’atomes dans l’univers. Pendant ce temps, au pied du Sacré-Cœur, les bénédictines soignent leurs revers. La température est de 24ºC, le taux d’humidité de 70 degrés et la pression atmosphérique de 990 hectopascals. »

 


à voir deux court-métrages : Lucille et le photomaton (1992) et Agathe Tricote (1998)

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